Walker Evans et la photographie vernaculaire
par Marine
Pour inaugurer ces notes d’inspiration, je vais vous parler aujourd’hui de la rétrospective Walker Evans au Centre Pompidou (Paris). Si vous passez par là, l’expo est encore visible jusqu’au 14/08/17. Je vous recommande par la même occasion de visiter l’exposition de David Hockney à coté, pour ses peintures d’inspiration polaroid et ses pola totalement picturaux. je referme la parenthèse.
Qu’est ce que le vernaculaire?
Tout d’abord revenons sur le gros mot utilisé en titre ci-dessus : Vernaculaire. Je me souviens quand un de nos profs aux Arts Deco nous a demandé la veille des vacances : “de faire une recherche vernaculaire sur l’endroit où vous vous trouverez”, sans plus d’explications. ça nous a laissé perplexe.
Le dictionnaire nous dit:
Propre à un pays, à ses habitants. Synon. autochtone, domestique, indigène.Coutumes vernaculaires. Avec l’agriculture, le tissage et la poterie, on voit se généraliser le travail du bois (…). À ce stade appartiennent la plupart des constructions « vernaculaires » élevées dans le monde (La Gde Encyclop., Paris, Larousse, t. 16, 1973, p. 3255, col. 1).
Walker Evans s’est emparé de cette définition pour créer un style photographique : il photographie ce qui est utilitaire, populaire, typique, et représentatif de la culture populaire. Cette recherche devient une obsession tout au long de sa vie. Du vernaculaire au documentaire, en passant par la street photographie, Il devient une figure majeure de la photographie américaine du xxe siècle et influencera des générations de photographes Robert Frank, Lee Friedlander, Diane Arbus, etc.
Cette approche est pour moi fondamentale. Appréhender l’ordinaire avec un oeil nouveau pour en tirer l’extraordinaire, pour montrer ce que plus personne ne voit, pour documenter au sens propre du terme, laisser une trace de l’époque, des coutumes, etc. Toutes ces choses font sens et trouvent un réelle résonance dans mon approche de la photographie dite “sociale”.
Côté forme, un mode frontal (accentué par la prise de vue à la chambre), dépourvu d’effets artistiques, qu’il appellera « style documentaire », oscille entre information et poésie.
Observez la manière dont Walker Evans photographie ces familles, en quelques images, il raconte ce qu’ils sont, là où ils vivent, comment ils vivent… Une efficacité redoutable.
Walker Evans disait : « Une bonne exposition est une leçon pour le regard. »
L’oeuvre de W. Evans me touche par sa simplicité et la poésie qui s’en dégage. Il photographie sans effets, s’efface au profit de son sujet, laissant le sujet converser directement avec le spectateur. Regarder et montrer le réel, la vacuité, l’obsolète, l’absence, le rebut, W. Evans informe mais ne juge pas, il n’intervient pas. Il documente simplement et laisse la place à la poésie des petites choses.
Cela me parle en tant que photographe documentaire de mariage et de famille, car c’est exactement comme ça que j’envisage notre métier : nous photographions pas la grande histoire mais les petites histoires, des moments de vie régis par des coutumes vernaculaires, et c’est ce que nous devons mettre en avant, ce qui dépasse le temps, qui raconte un moment dans une vie.
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